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9 décembre 2020

Les entreprises face au Covid-19 : nouvelles adaptations pour le droit des entreprises en difficulté

La persistance de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a poussé le Gouvernement ainsi que le législateur français à apporter de nouvelles adaptations au droit des entreprises en difficulté. C’est ainsi que de nouvelles règlent ont été instaurées et qu’un certain nombre de mesures précédemment adoptées en la matière ont été prolongées.

Quels sont les textes concernés ?

Une ordonnance ainsi qu’une loi modifient une nouvelle fois le droit des entreprises en difficulté. Il s’agit principalement de (i) la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (ci-après « Loi ASAP » ) qui prolonge notamment certaines mesures instituées par l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l'épidémie de Covid-19 (ci-après « l’Ordonnance I » ) ainsi que de (ii) l’ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises aux conséquences de l’épidémie de Covid-19 (ci-après « l’Ordonnance II » ) qui instaure quant à elle de nouvelles dispositions.

Les mesures instaurées ou prolongées par ces textes produiront leurs effets jusqu’au 31 décembre 2021. Certaines d’entre elles ont par ailleurs vocation à être pérennisées dans notre droit positif.

En quoi consistent ces nouvelles adaptations ?

I- La prolongation des mesures existantes

Comme évoqué ci-avant, la Loi ASAP (Art. 124) prolonge un certain nombre de mesures prévues par l’Ordonnance I et ce jusqu’au 31 décembre 2021.

Il convient à titre préalable de souligner que les dispositions de l’article 7 de l’Ordonnance I qui ouvrent à l’administrateur et au débiteur l’initiative de la requête à fin d’autoriser le dirigeant à se porter acquéreur de son entreprise n’ont pas fait l’objet d’une prolongation.

Les mesures prolongées peuvent être résumées ainsi :

a. L’interdiction des poursuites en procédure de conciliation :

L’Ordonnance I instaure (Art. 2, II) d’une part une « quasi période d’observation » en donnant la possibilité au débiteur en conciliation d’obtenir par voie de requête et pendant toute la durée de la conciliation :

  1. l’interdiction ou l’arrêt temporaire des poursuites qui tendraient à obtenir sa condamnation au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ainsi que l’arrêt des voies d’exécution ; et
  2. le report ou l’échelonnement du paiement des sommes dues.

Une telle mesure pourra être prononcée dès lors que le créancier concerné a refusé de suspendre l’exigibilité de sa créance à la demande du conciliateur ou n’a pas répondu dans le délai imparti par ce dernier.

L’Ordonnance I prévoit d’autre part (Art. 2, III) un élargissement de l’article L. 611-7 alinéa 5 du Code de commerce en permettant au débiteur de requérir du juge de la conciliation de faire application de l’article 1343-5 du Code civil préalablement à la mise en œuvre d’un acte de poursuite par le créancier, le refus de ce dernier à la demande du conciliateur de suspendre l’exigibilité de sa créance étant suffisant pour obtenir une telle mesure.

b. La facilitation de l’adoption des plans et de leur allongement : 

L’Ordonnance I (Art. 4 et 5) prévoit plusieurs dispositifs afférents aux plans de sauvegarde et de redressement. A cet égard il est notamment prévu :

  1. une prolongation possible par le tribunal de la durée du plan pour un maximum de 2 ans, sur requête du Ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan. Pour rappel, une telle prolongation implique notamment la possibilité pour le tribunal d’adapter les échéances du plan à sa nouvelle durée ou de prononcer une série de mesures à l’instar d’une dérogation à certaines règles légales (e.g. règle du paiement d’un dividende par an ou d’un dividende minimum de 5% pour la troisième annuité) ;
  2. la possibilité de requérir dans le cadre d’une procédure de modification substantielle (Art. 626-26 du Code de commerce), une modification de la durée du plan qui pourrait être portée à 12 ans (17 ans pour les débiteurs exerçant une activité agricole) ;
  3. la possibilité pour le juge commissaire de réduire, à la demande du mandataire ou de l’administrateur judiciaire, le délai de 30 jours prévu pour la consultation individuelle des créanciers. Ce délai prévu par l’article L. 626-5 du Code de commerce pourra être réduit à 15 jours.

L’ensemble de ces mesures s’appliqueront donc aux plans de sauvegarde ou redressement en cours au 31 décembre 2021.

c. Le privilège dit de Post-Money :

L’Ordonnance I (Art. 5, IV) institue un privilège dit de « Post Money » pour les apporteurs de fonds en période d’observation de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou pour ceux qui s’engagent à apporter des fonds pour l’exécution des plans de sauvegarde ou de redressement, sous réserve que lesdits fonds permettent d’assurer la poursuite de l’activité et la pérennité de l’entreprise.

Ce privilège accorde notamment à son titulaire le droit d’être payé de manière préférentielle dans le cadre d’une procédure collective qui serait ouverte ultérieurement.

Cette mesure devait s’appliquer jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance transposant la directive dite insolvabilité n° 2019/1023 du 20 juin 2019 (la « Directive ») (et au plus tard le 17 juillet 2021). Désormais, elle sera applicable aux procédures en cours jusqu’au 31 décembre 2021.

Il convient de souligner que ce dispositif a, en tout état de cause, vocation à être pérennisé dans notre droit positif via la transposition de la Directive.

d. La suppression des seuils afférents aux procédures de sauvegarde accélérée et de sauvegarde financière accélérée :

L’Ordonnance I prévoit (Art. 3) la suppression de certaines conditions d’éligibilité aux procédures de sauvegarde accélérée et de sauvegarde financière accélérée. Ainsi, les entreprises ne disposant pas de comptes certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et se trouvant en deçà des seuils afférents au nombre de salariés (20), au montant du chiffre d’affaires (EUR3 M) ou du bilan (EUR1,5 M), pourront solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée ou de sauvegarde financière accélérée pour peu qu’elles remplissent les autres conditions d’éligibilité à ces mêmes procédures.

De la même manière que le privilège de post money, ce dispositif a vocation à être pérennisé dans notre droit positif via la transposition de la Directive.

II- L’instauration de nouvelles mesures

L’Ordonnance II instaure de nouvelles dispositions afférentes au droit des entreprises en difficulté. Ces mesures, qui ont vocation à s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2021, portent sur les domaines suivants :

a. La durée de la procédure de conciliation :

L’Ordonnance II (Art. 1 et 4, II) prévoit que les procédures de conciliation ouvertes à compter du 24 août 2020 pourront être prorogées plusieurs fois sans que leur durée maximale ne puisse excéder 10 mois.

Il est ainsi prévu une prolongation de 5 mois par rapport à la durée légale d’une procédure de conciliation.

Il convient de souligner que contrairement à ce qui avait été prévu par l'Ordonnance I et les textes adoptés antérieurement, cette prolongation ne sera pas automatique et devra intervenir sur décision motivée du président du tribunal statuant sur requête du conciliateur.

b. Simplification du régime de prise en charge des créances salariales par l’AGS dans le cadre d’une procédure collective :

Afin de simplifier la prise en charge des salaires par l’AGS, l’Ordonnance II (Art. 2) prévoit que les relevés de créances salariales pourront être adressées à l’AGS sous la seule signature du mandataire judiciaire. Ainsi, le visa du juge-commissaire ne sera pas requis dans un premier temps ce qui permettra un raccourcissement du délai de prise en charge des salaires.

Il est par ailleurs précisé que dans l’hypothèse où l’exemplaire du relevé de créances salariales portant le visa du juge-commissaire ne serait pas conforme à celui signé par le seul mandataire judiciaire, ce dernier devra sans délai transmettre le relevé portant le visa du juge-commissaire à l’AGS.

c. Simplification des moyens de communication entre les organes de la procédure etle greffe ou la juridiction :

L’Ordonnance II prévoit (Art. 3) que les communications effectuées entre, (i) d'une part, l'administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire, le liquidateur, le commissaire à l'exécution du plan, le mandataire ad hoc ou le conciliateur, et, (ii) d'autre part, le greffe du tribunal ainsi que les organes juridictionnels de la procédure se font par tout moyen. Ainsi, la simplification des moyens de communication s’étend désormais officiellement aux procédures préventives.

Il convient de noter que ce dispositif n’a toutefois pas vocation à s’appliquer pour les documents déposés au greffe en vue de leur consultation par le public.

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