31 janvier 2022

Licenciement pour inaptitude physique : dernières précisions de la Cour de cassation

Fin 2021, la Cour de cassation a apporté quelques précisions concernant le licenciement pour inaptitude et en particulier, sur son régime d’indemnisation.

Il ressort des articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du Code du travail que le licenciement d’un salarié déclaré inapte par la médecine du travail ne peut intervenir qu'à la condition que l'employeur puisse justifier :

  • soit, de son impossibilité de proposer un emploi de reclassement,
  • soit, du refus par le salarié de l'emploi proposé ;
  • soit, de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Ainsi, lorsqu'un salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail et que l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui doit lui faire connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement (Article L. 1226-12 et L. 1226-2-1 du Code du travail).

En cas de manquement à cette obligation de notification écrite sur la justification de l'impossibilité de reclassement, la Cour de cassation sanctionne l’employeur par le versement d'une indemnité spécifique en réparation du préjudice subi. Il s'agit d'une jurisprudence constante, rendue dans le cadre de l'inaptitude d'origine professionnelle, qui est transposable, depuis 2017, à l'inaptitude d'origine non professionnelle (Cass. soc., 21 novembre 1995, n° 92-45.304 ; Cass. soc., 6 mai 1998, n° 95-40.579 ; Cass. soc., 24 janvier 2001, n° 99-40.263).

Cette sanction spécifique s’applique même si l'obligation de reclassement a été respectée (Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 19-16.424).

Par un arrêt du 15 décembre 2021, la Cour de cassation précise que l'indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de notification écrite des motifs s'opposant au reclassement du salarié inapte ne se cumule pas avec les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En d’autres termes, pour la Cour de cassation, l’absence de notification écrite en cas d’impossibilité de reclassement d’un salarié inapte est un préjudice inclus dans le barème d’indemnisation du licenciement abusif dit « barème Macron » (Cass. soc. 15 décembre 2021, n° 20-18.782).

A noter que lorsque l'inaptitude est d'origine professionnelle, les sanctions applicables au licenciement abusif sont celles prévues à l'article L. 1226-15 du code du travail qui renvoie à la sanction applicable en cas de nullité de licenciement prévue à l'article L. 1235-3-1, soit une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire. En cas de licenciement pour inaptitude non professionnelle, l'indemnité pour licenciement abusif est déterminée par les juges en tenant compte d'un barème « Macron » fixé à l'article L. 1235-3 du code du travail. Son montant est compris entre un montant minimal et maximal, exprimé en mois de salaire brut, déterminé, selon l'effectif de l'entreprise et l'ancienneté du salarié.

Dans une autre affaire jugée le 15 septembre 2021 (Cass. soc. 15 septembre 2021, n° 19-24.498), la Cour de cassation précise que le salarié déclaré inapte, en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, a droit à une indemnité spéciale de licenciement et ce même si le licenciement pour inaptitude intervient postérieurement à une demande en résiliation judiciaire initiée par le salarié.

En l’espèce, un salarié avait saisi le Conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 14 mars 2014. Il avait été ensuite déclaré inapte le 18 juillet 2016 (en raison d’un accident du travail), puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 24 octobre 2016. Le 18 septembre 2019, la Cour d’appel de Paris avait prononcé la résiliation judiciaire du contrat et avait condamné l’employeur à verser diverses sommes au titre de la nullité du licenciement qui en résultait, et notamment l’indemnité spéciale de licenciement due en cas d’inaptitude d’origine professionnelle.

Cette décision peut surprendre car la demande en résiliation judiciaire était intervenue bien avant l’accident du travail ayant donné lieu à l’avis d’inaptitude. D’autant qu’il est de jurisprudence constante que lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement (en cours d'instance sur la demande en résiliation), le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée. Et le licenciement n'a d'autre effet que de fixer la date de la rupture issue de la résiliation judiciaire (Cass. soc., 15 mai 2007, n° 04-43.663).

Pourtant, lorsque la Cour de cassation indique que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'un licenciement nul, c'est pour dire qu'elle emporte les conséquences pécuniaires habituelles d'un licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse, y compris pour attribuer un régime spécifique d’indemnisation. En quelque sorte, elle va un peu plus loin que la position qu’elle a adopté dans un précédent arrêt du 20 février 2019. (Cass. soc., 20 février 2019, n° 17-17.744).

Fort de ce principe, on aurait pourtant pu penser que la Cour de cassation l’aurait également appliqué à la seconde affaire jugée le 15 septembre 2021 concernant un salarié inapte (en raison d’un accident du travail) et licencié pour motif économique en même temps qui réunissait pourtant toutes les conditions ouvrant droit au paiement de l'indemnité spéciale de licenciement. La Cour de cassation a fait prévaloir le motif économique sur l’inaptitude médicale en raison de la cessation totale et définitive de l’activité de l’entreprise en liquidation amiable. (Cass. soc. 15 septembre 2021, n° 19-25.613)

Alors, certes, il a été licencié pour motif économique et le motif économique a paru fondé. Mais comme l'avait relevé les juges du fond, il entrait également dans le champ d'application des dispositions d'ordre public des articles L. 1226-10 et suivants du Code du travail et pourtant…

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