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17 janvier 2025Lecture 4 minutes

2024, année de relance pour le nucléaire ?

« Le nucléaire est une énergie de l'avenir qui appartient au passé » disait l'écologiste américain Amory Lovins en 1977 lors de la conférence sur l’avenir du non-nucléaire.

En France, le raccordement au réseau électrique de l'EPR de Flamanville fin 2024, 17 ans après le démarrage du chantier, pourrait réconcilier l'avenir et le passé.

En France, encore, le développement très récent des petits réacteurs modulaires ou avancés de fission et de fusion, la poursuite du projet de fusion ITER, le développement du réacteur de recherche Jules Horovitz ou encore les nouvelles installations de recherche de la branche nucléaire civile du CEA, mais aussi le rapport MATCH du GIFEN ou le plan d'actions de l'Université des métiers du nucléaire, pourraient renverser la formule : « le nucléaire est une énergie du passé qui appartient à l'avenir ».

En France, toujours, après l'adoption de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 dite loi « Nouveau Nucléaire » (promouvant l’accélération et la simplification des procédures applicables au titre des codes de l'urbanisme, de l'environnement et de l'énergie), la loi n° 2024-450 du 21 mai 2024 constitue, quant à elle, le second volet de la réponse au défi de relance de la filière nucléaire. Elle vient dynamiter un pan sectoriel de la commande publique au nom des intérêts essentiels de la Nation dont fait partie la souveraineté énergétique et au service du programme de construction des EPR 2 sur les sites de Penly, Gravelines et Bugey.

Sécurisation énergétique et défense économique : des nouvelles marges de manœuvre offertes aux pouvoirs adjudicateurs.

Dans un contexte de sécurisation de l'approvisionnement énergétique et plus largement de « défense économique de la Nation » (selon l'expression gouvernementale), le législateur français a opportunément tiré les conséquences des évolutions récentes de la jurisprudence de la CJUE (notamment l’arrêt du 7 septembre 2023, Aff C-601/21) sur les contrats qui, pour préserver les intérêts essentiels de la Nation, peuvent être exclus du champ d'application des règles de la commande publique. Il a en outre permis aux pouvoirs adjudicateurs de déroger à certaines règles purement françaises des marchés publics.

Concrètement, deux innovations sont adoptées et ont recueilli un avis positif du Conseil d'État (avis du 14 décembre 2023 n° 407671) quant à l'absence d'obstacle d'ordre constitutionnel et conventionnel (européen et OMC).

  • Un nouveau cas d'exclusion totale des règles de la commande publique réservé à ce que les spécialistes appellent « l'îlot nucléaire », à savoir la partie la plus sensible des installations en termes de sécurité et de sûreté, ce qui désigne les achats industriels liés à la construction ou l'exploitation d'une INB (installation nucléaire de base). Cela concerne aussi bien les projets de parcs en exploitation que les nouveaux projets mais uniquement les achats qui concourent directement ou indirectement à la sûreté de l'installation ou à la protection contre les actes de malveillance.
  • Diverses dérogations sectorielles aux règles de commande publique applicables aux marchés de réalisation listés par le législateur : Programme Nouveau Nucléaire, installations de gestion de déchets radioactifs ou combustibles usés, démantèlement d'installations nucléaires ou réhabilitions de site, installations de recherche. Ces assouplissements concernent l'absence d'obligation d'allotir, la possibilité d'excéder la durée maximale de 8 ans des accords cadre, ainsi que la possibilité de recourir au critère de crédibilité des offres (bien que déjà admise par la jurisprudence administrative). S'y ajoute la faculté de conclure des avenants sans remise en concurrence rendus nécessaires en raison et en fonction de l'évolution de la conception du projet sous les conditions déjà prévues au code de la commande publique, s'agissant notamment de l'impossibilité d'un changement de titulaire pour des raisons d'interchangeabilité ou d'interopérabilité avec des équipements existants.

Retour vers le passé ? Ainsi que le relève le Gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi, ces évolutions permettront aux maîtres d'ouvrage de projets nucléaires (EDF, CEA, Andra) de renouer avec leurs anciennes pratiques industrielles en vigueur à l'époque du plan Messmer, où ni le droit européen ou international ni le droit national, n'imposaient le recours aux procédures de mise en concurrence.