
11 juin 2025 • Lecture 8 minutes
PPWR : Quelle articulation avec le droit français ?
Le règlement (UE) 2025/40 du 19 décembre 2024 relatif aux emballages et déchets d'emballages (« PPWR ») crée de nouvelles obligations pour les producteurs et metteurs en marché d'emballages. La France a déjà un cadre législatif contraignant, notamment avec les lois AGEC et Climat et Résilience.1 Cet article analyse des mesures phares du PPWR à l’aune des dispositions françaises pour mettre en exergue les adaptations nécessaires.
PFAS et substances préoccupantes
Le PPWR va plus loin que la directive 94/62/CE du 20 décembre 1994 : les emballages mis sur le marché doivent être fabriqués de manière à réduire au minimum la présence et la concentration de « substances préoccupantes » dans la composition des matériaux d’emballage ou de leurs éléments y compris dans les émissions et tout ce qui résulte du traitement des déchets, tel que les matières premières secondaires, les cendres et d’autres matières destinées à être éliminées définitivement, ainsi que les effets néfastes sur l’environnement liés aux microplastiques. Il n’est plus seulement question de réduire au minimum les substances dangereuses, mais aussi les substances préoccupantes, ce qui élargit significativement le champ d’application de l’obligation.
Outre les microplastiques, le PPWR s’intéresse aux PFAS.2 A partir du 12 août 2026, les emballages destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires ne pourront être mis sur le marché s’ils contiennent une concentration de PFAS égale ou supérieure aux valeurs limites fixées par le PPWR. Le législateur européen a conditionné l’application de cette disposition à l’absence d’autre texte plus contraignant.
Le droit français est précurseur sur la réduction des substances dangereuses ou préoccupantes dans les emballages, avec notamment l’interdiction des huiles minérales et l’obligation d’information des consommateurs sur la présence de substances dangereuses. Néanmoins, les opérateurs économiques vont devoir faire de nouveaux efforts afin de se conformer aux exigences du PPWR plus contraignantes que le droit français, comme pour les PFAS. Une difficulté sera de suivre le rythme d’évolution du cadre juridique des PFAS.3
Recyclabilité
Le PPWR pose un principe de recyclabilité des emballages, mais y apporte des nuances. Outre que certains emballages sont exclus du dispositif (les emballages de certains dispositifs médicaux, ceux de certains produits pour bébé, etc.), le caractère recyclable nécessite la réunion de deux conditions : (i) être conçu en vue du recyclage des matériaux, et (ii) pouvoir être collecté séparément lorsqu’il devient un déchet. Le dispositif sera étoffé par l’adoption d’actes délégués d’ici le 1er janvier 2028 et d’actes d’exécution d’ici le 1er janvier 2030. Les industriels devront suivre attentivement ces évolutions afin que leurs emballages demeurent conformes.
L’approche diffère sensiblement de celle du droit français qui encourage par principe le réemploi et toute forme de valorisation des déchets, le recyclage n’étant qu’une méthode parmi d’autres.4 Le PPWR n’ignore pas le réemploi mais le réserve à des emballages standards au volume significatifs.5 Ainsi, le recyclage pourrait progressivement l’emporter sur le réemploi et les autres formes de valorisation des emballages. Le PPWR indique que si les États membres choisissent de maintenir ou d’introduire des exigences nationales en matière de durabilité, d’information et/ou d’étiquetage en plus de celles du PPWR, elles ne doivent pas être contraires à celles du PPWR, ni interdire, restreindre ou entraver la mise sur le marché des emballages conformes au PPWR pour des raisons de non-conformité avec les exigences nationales. Cela pourrait engendrer des contestations des dispositions françaises pour obstacle à la libre circulation.
Emballages en plastique
Alors que la France vise la fin des emballages en plastique à usage unique pour 2040, le PPWR porte une vision différente avec, en annexe V, une liste d’emballages en plastique à usage unique qui ne pourront plus être mis sur le marché à partir de 2030 (sac en plastique très léger, emballages en plastique à usage unique pour fruits et légumes frais non transformés, etc.). S’agissant de l’incorporation de matières recyclées dans les emballages en plastique, le PPWR prévoit deux paliers (2030 ou 3 ans à compter de l’entrée en vigueur d’un acte d’exécution, et 2040) et fixe des pourcentages minimaux d’incorporation, par type et format d’emballage. La France semble s’orienter vers une autre logique consistant à moduler les contributions financières versées par les producteurs d’emballages aux éco-organismes en fonction du taux d’incorporation de plastique recyclé.6 Les dispositions du PPWR devront néanmoins être respectées, quitte à obtenir une modulation d’écocontribution en application du droit français. Reste à savoir si les pourcentages minimaux seront alignés.
Etiquetage
Le PPWR impose un étiquetage harmonisé des emballages pour faciliter le tri par les consommateurs, au plus tard le 12 août 2028 ou 24 mois à compter de la date d’entrée en vigueur de l’acte d’exécution de la Commission européenne (« CE »). Des précisions supplémentaires sont exigées pour certains emballages compostables, ceux contenant des substances préoccupantes, ceux soumis à un système de consigne et pour les emballages réutilisables.7 Un code QR ou équivalent peut être inclus sur l’emballage afin d’indiquer les informations de tri de chaque élément d’’emballage. Ces informations doivent être apposées, imprimées, ou gravées de manière visible, lisible et solide sur l’emballage, ou sur l’emballage groupé selon la nature et les dimensions de l’emballage, ou lisibles par voie électronique pour les personnes vulnérables. Il n’y a pas d’étiquette obligatoire s’agissant du pourcentage minimal de contenu recyclé. Par ailleurs, les emballages relevant de la responsabilité élargie des producteurs (« REP ») pourront être identifiés avec un code QR, sous réserve de ne pas induire en erreur sur la possibilité de recycler ou réemployer l’emballage. Ces informations devront être mises à la disposition des utilisateurs finaux8 avant l’achat du produit dans le cadre de la vente en ligne, dans une ou plusieurs langues compréhensibles par ces utilisateurs selon l’Etat membre dans lequel l’emballage sera mis à disposition, l’usage des pictogrammes étant préconisé pour limiter les coûts de traduction. En France, l’information sur les règles de tri (logo Triman et Info Tri) est obligatoire pour les emballages soumis à la REP.9 Cet étiquetage peut être remplacé par un équivalent prévu par l’UE ou un Etat membre sous réserve (i) d’être obligatoire et (ii) d’informer le consommateur que les produits font l’objet de tri, avec les mêmes caractéristiques que l’Info Tri. L’étiquetage prévu par le PPWR pourrait être invoqué dans le cadre de cette équivalence, sous réserve du format de l’étiquetage qui sera prévu par actes d’exécution. Il n’est toutefois pas certain que la règle française du logo Triman soit maintenue dès lors que sa conformité au principe de libre circulation des biens au sein de l’UE est contestée par la CE (notification en 2023 et avis motivé en 2024 qui, s’il reste sans réponse, peut mener à la saisine de la CJUE). A suivre, mais cette obligation s’applique toujours à date. Le droit français prévoit également une obligation d’information du consommateur sous format dématérialisé, s’agissant de la compostabilité des emballages, des substances dangereuses et matières recyclées qu’ils contiennent, des possibilités de réemploi et de leur recyclabilité.
Allégations environnementales
Le PPWR prévoit que les allégations environnementales sur les propriétés des emballages (i) ne concernent que les propriétés qui vont au-delà des exigences minimales du PPWR, (ii) précisent si elles se rapportent à l’unité d’emballage, à une partie de l’unité d’emballage ou à l’ensemble des emballages mis sur le marché et que (iii) l’annonceur doit être en mesure de démontrer la conformité de ces allégations avec la documentation technique relative aux emballages (annexe VII du PPWR). Cela s’inscrit dans la lignée de la directive (UE) 2024/825 du 28 février 2024 pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition verte et de la proposition de directive sur les allégations environnementales.
Le droit français est déjà restrictif en matière d’allégations environnementales, avec des contrôles renforcés ces dernières années, la DGCCRF priorisant le volet environnemental pour les années à venir.10 Les annonceurs doivent notamment s’assurer que leurs allégations sont précises, claires et justifiables, y compris lorsqu’elles portent sur les propriétés de leurs emballages, et respecter les interdictions spécifiques aux emballages , telles que l’interdiction des mentions « biodégradable », « respectueux de l'environnement » ou autre allégation environnementale équivalente.