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14 mars 2023Lecture 6 minutes

Mise en demeure de la France par la Commission européenne s'agissant des nouvelles règles relatives à la signalétique Triman et l'Info-Tri

Le 15 février 2023, la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction à l'encontre de la France en lui adressant une mise en demeure s'agissant de la potentielle violation par la règlementation française relative à la signalétique Triman et à l’information sur les règles de tri (« Info-Tri »), du principe de libre circulation des marchandises garantit par le droit de l'Union Européenne.

 

A quoi correspondent la signalétique Triman et l'Info-Tri ?

La signalétique Triman et l'Info-Tri visent à informer les consommateurs sur les règles de tri des déchets ménagers. Selon les nouvelles obligations issues de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 et de ses décrets d'application (la « Loi AGEC »), la signalétique Triman et l’Info-Tri doivent être apposées sur tout produit et emballage mis sur le marché à destination des ménages, lorsque ces produits et emballages relèvent du principe de responsabilité élargie du producteur (« REP »). 22 filières sont soumises à un dispositif de REP, notamment, les emballages ménagers, les imprimés papiers et papiers à usage graphique, les équipements électriques et électroniques, les piles et accumulateurs, les produits textiles et d'habillement et les jouets. Les responsables de l'étiquetage sont les producteurs de déchets, définis largement par « toute personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits générateurs de déchets ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication ». Cette définition est complétée par d'autres critères dans le cas de certaines catégories de produit (par exemple, les équipements électriques et électroniques). Le contenu de l'Info-Tri est déterminé par les éco-organismes, ou par le producteur lui-même lorsque celui-ci a mis en place un système individuel, puis transmis au Ministère de la Transition Ecologique et au Ministère de l'Economie pour acceptation. L’Info-Tri est ensuite publiée sur le site internet des éco-organismes concernés et les adhérents de l'éco-organisme en sont informés.

La Loi AGEC prévoit que la signalétique Triman et l'Info-Tri doivent figurer en priorité sur le produit ou l'emballage, ou, à défaut (si cela n'est pas possible sur le produit ou l’emballage), sur les autres documents fournis avec le produit. Ces informations doivent également être disponibles en ligne. S’agissant des emballages à destination des ménages, la signalétique Triman et l’Info-Tri doivent être apposées sur l’emballage.

 

Quand ces exigences sont-elles applicables ?

Les dates d'application pour l’étiquetage des produits varient selon les filières. Les producteurs doivent se conformer aux exigences relatives à la signalétique Triman et à l'Info-Tri au plus tard douze mois après la date à laquelle l'Info-Tri a été publiée par l'éco-organisme (la « date d’application »). De plus, à compter de la date d'application, un délai d'écoulement des stocks n’excédant pas six mois peut s'appliquer. A date, les filières d’ores déjà concernées par ces nouvelles obligations sont celles mettant sur le marché français des emballages ménagers, des imprimés papiers et papiers à usage graphique, des équipements électriques et électroniques, des piles et accumulateurs, des produits pyrotechniques, des médicaments, des dispositifs médicaux perforants, ainsi que des produits textiles et d’ameublement.

 

Quelles sont les difficultés rencontrées par les professionnels ?

Le nouveau dispositif d’information des consommateurs sur les règles de tri des déchets a été considérablement renforcé par la Loi AGEC, qui étend l’obligation d’apposer le logo Triman et l'Info-Tri à l’ensemble des produits relevant d’une filière soumise au principe de REP. Dans le cadre de la règlementation précédente, seuls les produits recyclables soumis à un dispositif de REP et relevant d’une consigne de tri devaient faire figurer le logo Triman, qui pouvait être accompagné d'un message relatif au tri des déchets. Cette nouvelle règlementation pose des contraintes opérationnelles pour les professionnels, qui n'ont pas suffisamment été prises en compte par le législateur. Apposer le logo Triman et l’Info-Tri sur les emballages et/ou produits peut s’avérer très compliqué en pratique selon la dimension et le format des produits ou des emballages en question. En outre, ces nouvelles obligations d’étiquetage représentent un coût pour les professionnels qui doivent réadapter leur chaîne logistique afin d’apposer le logo Triman et l’Info-Tri sur le produit ou son emballage. Ces nouvelles obligations sont d’autant plus contraignantes qu’il n’existe pas de règlementation harmonisée au sein de l’Union Européenne. Cela oblige dès lors les professionnels à mettre en place un étiquetage spécifique pour leurs produits commercialisés en France.

Si la Loi AGEC offre une certaine souplesse en permettant aux professionnels de faire figurer « par défaut » le logo Triman et l’Info-Tri sur les autres documents fournis avec le produit (par exemple, la facture, la notice d’utilisation du produit), la Loi AGEC et les lignes directrices du gouvernement sur la signalétique Triman et l’Info-Trine précisent nullement dans quelles conditions les professionnels peuvent opter pour ce format. En outre, en cas de non-respect des nouvelles règles d’étiquetage, les autorités peuvent imposer des amendes administratives aux professionnels significatives.

 

Pourquoi la Commission européenne initie-t-elle une procédure à l'encontre de la France ?

La Commission européenne considère que les nouvelles exigences françaises en matière d'étiquetage sont disproportionnées par rapport à leur finalité, car d'autres options appropriées et moins restrictives pour les échanges commerciaux entre les États membres existent. Par ailleurs, notons que la Commission européenne estime que la règlementation française pourrait avoir « des effets contreproductifs sur l'environnement » dans la mesure où elle peut « engendrer des besoins accrus en matériaux pour l'étiquetage additionnel et une plus grande production de déchets en raison de la taille plus grande que nécessaire des emballages ». En outre, la Commission européenne soutient que la France a manqué aux obligations de notification prévues par la directive relative à la transparence du marché unique puisque la Loi AGEC n'a pas été notifiée à la Commission européenne à l'état de projet, avant son adoption. A l'issue de la procédure de notification, ce n'est qu'à l'expiration d'un délai de trois mois que le projet notifié aurait pu être promulgué si la Commission européenne ne s'y était pas opposée.

La France dispose de deux mois pour répondre aux préoccupations de la Commission européenne. A défaut, la Commission pourra émettre un « avis motivé » dans lequel elle pourra enjoindre la France de se conformer aux règles du droit de l’Union européenne dans un délai déterminé.