
16 juin 2025
Création d’une nouvelle Chambre de l’assurance au Québec — L’impact du Projet de loi 92 sur le secteur de l’assurance
Le 3 juin 2025, l’Assemblée nationale du Québec a adopté le projet de loi n° 92, Loi modifiant diverses dispositions principalement dans le secteur financier (la « Loi »). Cette loi aura un impact sur presque tous les aspects du paysage financier, allant de l’assurance et de l’immobilier aux fédérations de caisses et aux valeurs mobilières. Elle vise à moderniser, simplifier et renforcer le cadre du secteur financier québécois en modifiant plusieurs lois administrées par l’Autorité des marchés financiers (« AMF »), y compris la Loi sur la distribution de produits et services financiers (« LDPSF ») et la Loi sur les assureurs.
Le présent article ne présentera pas un aperçu complet de toutes les modifications introduites par la Loi, mais mettra principalement l’accent sur celles relatives à la Loi sur les assureurs.
Création de la Chambre de l’assurance
Le 4 juillet 2025, la Chambre de la sécurité financière et la Chambre de l’assurance de dommages fusionneront pour devenir une seule et même entité : la Chambre de l’assurance.
- Cette nouvelle chambre assumera les fonctions auparavant exercées par ses prédécesseuses, à savoir la supervision de la formation continue obligatoire, de la déontologie et de la discipline pour les experts en sinistre, les planificateurs financiers, les représentants en assurance de personnes, en assurance collective et en assurance de dommages, ainsi que les représentants de courtiers en fonds communs de placement.
- La Chambre de l’assurance sera régie par la Loi sur les compagnies. Elle exercera ses activités à titre d’organisme d’autoréglementation. Sa reconnaissance est par ailleurs réputée accordé par l’AMF, conformément à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (« LESF »).
- D’ici le 4 juillet 2026, les fonctions liées à la surveillance des courtiers en épargne collective et en plans de bourses d’études ne relèveront plus de la Chambre de l’assurance et devraient passer sous la juridiction de l’Organisme canadien de réglementation des investissements.
Portée élargie du Fonds d’indemnisation des services financiers
Le Fonds d’indemnisation des services financiers (« FISF »), créé en 1999, indemnise les victimes de fraude impliquant des produits ou services financiers. La Loi abroge les dispositions de la LDPSF relatives au FISF et les intègre à la LESF. Auparavant limité aux victimes de représentants certifiés dans certains secteurs (assurance, expertise en sinistre, planification financière, courtage hypothécaire, fonds communs de placements, plans de bourses d’études), le FISF couvrira désormais les réclamations concernant un plus grand éventail de professionnels financiers. Cela inclut des instances de fraude, manœuvres frauduleuses ou détournement de fonds en lien avec des produits et services financiers contre des représentants, courtiers et conseillers inscrits en vertu de la LDPSF, de la Loi sur les instruments dérivés et de la Loi sur les valeurs mobilières. Il est précisé que les victimes de courtiers en valeurs mobilières ainsi que de stagiaires titulaires d’un certificat délivré en vertu de la LDPSF sont désormais couverts par ce fonds. Ultimement, l’élargissement de la couverture du FISF entraînera une augmentation du nombre de professionnels financiers assujettis à l’obligation de cotiser au fonds, renforçant ainsi sa solidité financière et assurant sa pérennité. L’AMF demeurera responsable de la gestion et de la surveillance du FISF.
Assouplissement des exigences pour les experts en sinistre
La Loi introduit un assouplissement des exigences pour les experts en sinistre. L’AMF pourra, dans des circonstances exceptionnelles et pour une période déterminée, permettre à certaines personnes d’agir comme experts en sinistre même si elles ne détiennent pas le certificat d’expert en sinistre délivré par l’AMF. Ces personnes incluent les agents ou courtiers en assurance de dommages certifiés, les personnes ayant déjà détenu un certificat d’expert en sinistre, et les personnes autorisées à agir comme experts en sinistre à l’extérieur du Québec.
Modifications à la gouvernance et aux exigences de divulgation : Compagnies d’assurance et sociétés mutuelles
Des modifications aux exigences de gouvernance et de transparence sont également introduites tant dans la LDPSF que dans la Loi sur les assureurs:
- Les cabinets de courtage en assurance de dommages inscrits auprès de l’AMF devront divulguer, dans leurs communications écrites, le nom de toute institution financière détenant plus de 20 % de leur capital-actions, ainsi que le nom du groupe financier auquel ils appartiennent.
- L’exigence pour les compagnies d’assurance constituées au Québec d’avoir 50 % de leurs administrateurs résidant au Québec sera réduite au tiers, si la compagnie appartient à un groupe financier, perçoit plus de 40 % de ses primes à l’extérieur du Québec, et si la majorité de ses administrateurs résident au Canada.
- Le nombre minimal de sociétés mutuelles requis pour former ou maintenir une fédération passera de neuf à cinq.
- Une personne morale constituée à l’extérieur du Québec pourrait être admise comme membre auxiliaire d’une fédération de sociétés mutuelles, sous réserve de conditions strictes de gouvernance telles qu’un terme d’adhésion minimal de cinq ans et des limites aux droits de vote.
Nouveaux pouvoirs pour l’AMF et le Tribunal administratif des marchés financiers (« TMF »)
Les pouvoirs de l’AMF et du TMF sont renforcés. Le TMF aura dorénavant le pouvoir d’imposer des sanctions administratives pécuniaires à ceux qui contreviennent ou aident à contrevenir à certaines lois du secteur financier. Les montants des amendes pénales pour les personnes physiques et pour les autres entités sont toutes deux augmentées de manière significative. Plus précisément, les amendes prévues pour les infractions à la Loi sur les assureurs varieront entre 2 000 $ pour les violations mineures et ne dépasseront pas 2 000 000 $ pour les infractions plus graves (lorsqu’une infraction se prolonge sur plusieurs jours, chaque jour constitue une infraction distincte). Diverses infractions sont concernées par cette augmentation, telles que le défaut de fournir les renseignements requis, la présentation de renseignements faux ou trompeurs, la participation à une fraude, etc.
L’AMF pourra suspendre ou retirer les droits conférés par l’inscription, ainsi qu’imposer des conditions, si un inscrit n’exerce pas ses activités conformément à ses déclarations ou s’il enfreint la Loi sur les valeurs mobilières ou la Loi sur les instruments dérivés. Ce pouvoir supplémentaire harmonisera la réglementation québécoise avec celle des autres organismes de réglementation canadiens. Les plateformes de négociation (« trading platforms ») devront également être reconnues par l’AMF pour exercer des activités en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières et transmettre les renseignements requis.
Conclusion
La Loi introduit un certain nombre de changements qui affecteront la façon dont les assureurs exercent leurs activités au sein du cadre réglementaire québécois. L’unification des chambres et l’adoption d’un modèle axé sur des principes témoignent d’une volonté plus large de moderniser la supervision tout en renforçant la confiance du public. Dans ce contexte, la création d’une entité unique agissant à titre d’organisme d’autoréglementation est susceptible de transformer le modèle de gouvernance en place, conformément à l’intention du législateur de favoriser une autonomie accrue en matière de gouvernance. Pour les assureurs, cela implique de s’ajuster à des exigences de gouvernance et de conformité en constante évolution.
La majorité des dispositions de la Loi sont entrées en vigueur le 4 juin 2025. Toutefois, certaines entreront en vigueur le 4 juillet 2025, tandis que d’autres prendront effet à une date fixée par règlement ou, au plus tard, le 4 juin 2026, selon la première éventualité. Notre équipe continuera de suivre de près ces développements.