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4 octobre 2023Lecture 11 minutes

Projet de Loi de finances pour 2024 : des changements significatifs pour les entreprises et les particuliers

Un projet de Loi de finances pour 2024 (PLF) a été présenté en Conseil des ministres le 27 septembre 2023. Ce projet sera examiné par les députés à partir du 17 octobre 2023.

Les principales dispositions sont résumées ci-dessous.

 

Mesures fiscales intéressant les entreprises
  • Focus : Pilier 2
  • Transposition de la directive (UE) 2022/2523 du 14 décembre 2022 visant à assurer un niveau minimum d'imposition mondial pour les groupes d'entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure (article 4)

    Le PLF prévoit la transposition en droit interne des règles permettant d’instaurer un niveau minimum d’imposition de 15 % pour les bénéfices des grands groupes nationaux et des groupes d’entreprises multinationales disposant d’une implantation en France1.

    Le PLF propose une transposition conforme à la directive Pilier 2 éclairée, le cas échéant, par les commentaires et les orientations administratives adoptés par l’OCDE.

    L’ imposition minimale mondiale » constituerait, en France, un impôt complémentaire, distinct de l’impôt sur les sociétés (IS). Néanmoins, en pratique, cet impôt complémentaire serait recouvré et contrôlé selon les mêmes procédures et les mêmes garanties que l’IS.

    L’ imposition minimale mondiale » serait déterminée selon la règle d’inclusion du revenu (RIR) au niveau de l’entité mère pour toutes les entités constitutives faiblement imposées du groupe ou, à défaut, selon la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés (RBII) au niveau de l’entité constitutive faiblement imposée.

    Il convient par ailleurs de noter que la France exercerait l’option prévue par la directive et instituerait un impôt national complémentaire qui s’appliquerait aux entités constitutives françaises d’un groupe sous-imposé afin de garantir, en France, un taux effectif d’imposition de 15 %.

    Ces règles d’imposition minimale s’appliqueraient aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023, à l’exception de la RBII, qui s’appliquerait aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2024.

    Toutefois, et conformément à la directive, les groupes d'entreprises multinationales et les groupes nationaux seraient temporairement exonérés de l’imposition minimale mondiale au titre des cinq exercices suivant l’exercice de démarrage des activités internationales du groupe ou suivant l’exercice au titre duquel un groupe national entrerait dans le champ d’application de ce nouvel impôt.

  • En matiere d’impot sur les Sociétés
  • Création d’un crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV)

    Un crédit d’impôt sur les dépenses engagées en vue de la production ou de l’acquisition d’actifs corporels ou incorporels permettant de produire les technologies essentielles à la transition énergétique (production de batteries, de panneaux solaires, d’éoliennes ou de pompes à chaleur) serait instauré.

    Ce crédit d’impôt bénéficierait, sur agrément, aux entreprises industrielles et commerciales imposées d’après leur bénéfice réel qui respecteraient leurs obligations fiscales et sociales ainsi que l’obligation de dépôt des comptes annuels, sous réserve que (i) le projet d’investissement réalisé en France ne résulte pas d’une délocalisation depuis le territoire de l’UE dans les deux ans précédant la demande d’agrément et vers le territoire de l’UE dans les deux ans suivant la mise en service des investissements et que (ii) l’entreprise s’engage à exploiter pendant au moins cinq ans à compter de leur mise en service (trois ans pour les PME) lesdits investissements.

    Le C3IV correspondrait à 20 % des dépenses engagées (majoré pour les investissements dans des zones spécifiques) dans la limite de EUR150 millions de crédit d’impôt par entreprise, directement imputable sur l’impôt dû au titre de l’année ou de l’exercice au cours duquel les dépenses mentionnées dans le plan d’investissement seraient exposées et directement restituable pour la fraction excédant l’impôt dû.

    Ce crédit d’impôt serait temporaire et bénéficierait aux projets d’investissements agréés jusqu’au 31 décembre 2025.

  • En matiere de TVA
  • Plan de lutte contre les fraudes TVA (article 19)

    Les règles de la TVA à l’importation seraient précisées. Les modalités de mise en œuvre des obligations relatives aux importations réalisées seraient facilitées pour les assujettis, non établis et non identifiés en France, avec la possibilité de désigner un mandataire. Par ailleurs, en matière de dropshipping, pratique qui consiste à acheter des biens sur un territoire tiers et à le revendre en ligne en France sans jamais en disposer physiquement, les intermédiaires seraient redevables de la TVA à l’importation sur ces ventes à distance de biens importés, à moins qu’ils s’assurent que la TVA ait été perçue sur l’intégralité du prix lors de l’importation.

    Par ailleurs, les assujettis non établis au sein de l’UE, qui se livreraient à des activités économiques par voie électronique sans acquitter la TVA exigible, et ce de manière répétée, pourraient, après injonction de mise en conformité, être déréférencés des interfaces en ligne.

    Dans une perspective de lutte contre des fraudes carrousel, les bénéficiaires des opérations de cessions de garanties d’origine et de certificats devraient autoliquider la TVA.

    Modification du régime de franchise de TVA (article 10)

    A compter du 1er janvier 2025, les assujettis établis au sein de l’UE pourraient bénéficier du régime de franchise de TVA, non seulement dans leur État d’établissement mais également dans les autres États membres, sous réserve que leur chiffre d’affaires européen n’excède pas EUR100 000. Les plafonds français de chiffre d’affaires sont en outre abaissés.

  • En matiere de prix de transfert
  • Renforcement du contrôle des prix de transfert des entreprises multinationales (article 22)

    La capacité de l’administration à détecter et sanctionner les utilisations abusives des prix de transfert serait renforcée, à compter du 1er janvier 2024, par le biais de divers aménagements :

    • L’obligation de présentation, en début de contrôle fiscal, d’une documentation de prix de transfert complète viserait désormais les entreprises dont le chiffre d’affaires ou l’actif brut est supérieur à EUR150 millions (contre EUR400 millions actuellement) ;
    • Le montant de l’amende minimum pour défaut de présentation ou pour présentation partielle de la documentation de prix de transfert serait augmenté de EUR10 000 à EUR50 000 ;
    • L’article 57 du code général des impôts (CGI) préciserait que, dans la situation où la méthode de détermination des prix de transfert s’écarterait de celle prévue par la documentation mise à la disposition de l’administration, l’écart de résultat serait réputé constituer un bénéfice indirectement transféré, à moins de démontrer l’absence de transfert par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente ;
    • Les modalités de rectification de la valeur des actifs incorporels, difficiles à évaluer, seraient précisées par l’insertion d’un nouvel article au CGI ;
    • Les transferts d’actifs incorporels constitueraient une nouvelle exception à la garantie de non-renouvellement d’une vérification de comptabilité ;
    • Le délai de reprise de l’administration pour contrôler les transferts d’actifs incorporels serait fixé à six années.

  • En matiere d’impots locaux
  • Echelonnement sur quatre ans de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et abaissement du plafonnement de la contribution économique territoriale sur la valeur ajoutée (article 8)

    Dans la lignée de la baisse des impôts de production initiée depuis 2021, la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) restante serait échelonnée sur quatre années. La CVAE serait donc fixée au taux de 0,28 % en 2024, 0,19 % en 2025, 0,09 % en 2026 pour être totalement supprimée en 2027. Le PLF prévoit également la suppression, dès 2024, de la cotisation minimum sur la valeur ajoutée des entreprises, qui devrait se traduire par une sortie de l’imposition à la CVAE pour environ 300 000 entreprises.

    De la même manière, la contribution économique territoriale (CET) serait progressivement abaissée sur quatre ans.

    Encadrement de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux portant sur les réseaux de télécommunications fixes (article 9)

    Il serait instauré un mécanisme d’ajustement à la baisse du tarif de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux fixe (IFER fixe) chaque fois que le produit total de l’imposition aura dépassé EUR400 millions au titre de l’année précédente. Ce plafond serait revalorisé chaque année en fonction de l’évolution de l’indice des prix à la consommation.

  • En matiere de contrôle fiscal
  • Création d’un délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale (article 20)

    Un délit autonome de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale serait créé, visant les personnes physiques ou morales qui mettent notamment à la disposition de leurs clients des moyens, services, actes ou instruments leur permettant de se soustraire à leurs obligations fiscales. Seraient ainsi visées l’ouverture de comptes à l’étranger, l’interposition de personnes établies à l’étranger, la fourniture de faux, la mise à disposition ou la justification d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger et plus largement, la réalisation de toute manœuvre destinée à égarer l’administration.

    Aménagement des modalités de réalisation des vérifications de comptabilité et des contrôles des organismes sans but lucratif à l’égard du lieu de contrôle et de l’anonymat des agents à des fins de renforcement de la sécurité (article 23)

    Bien que le principe selon lequel le contrôle a lieu sur place dans les locaux de l’entreprise demeurerait, l’administration pourrait, à défaut d’accord avec le contribuable, décider de tenir ou de poursuivre le contrôle dans ses locaux.

    Plan de lutte contre les fraudes (article 19)

    Les moyens à disposition de l’administration en matière de détection et de sanction de la fraude fiscale seraient renforcés par le biais d’un renforcement de la collecte et de l’exploitation de certaines données des plateformes en ligne et de l’application des majorations de 40% ou 80% aux fraudes aux aides publiques. Ces mesures intéresseraient également les particuliers.

 

Mesures fiscales intéressant les particuliers
  • En matiere d’impot sur le revenu
  • Aménagement de l’épargne des jeunes (article 3)

    Le PLF propose d’introduire le plan d’épargne avenir climat (PEAC), un produit d’épargne non-fiscalisé, exclusivement réservé aux personnes âgées de moins de 21 ans, afin de permettre à ces dernières de constituer une épargne de long terme, largement orientée vers le financement de l’économie productive et de la transition écologique.

    En parallèle, afin de limiter les comportements d’optimisation fiscale liés à la déductibilité des versements volontaires de l’assiette de l’impôt sur le revenu, la possibilité pour les mineurs d’ouvrir un plan d’épargne retraite serait supprimée.

  • En matiere de contrôle fiscal
  • Peine complémentaire de privation des droits à réductions et crédits d'impôt sur le revenu et d'impôt sur la fortune immobilière (article 21)

    Les personnes physiques condamnées pour des manquements graves à leurs obligations fiscales (i.e. comptes ouverts à l'étranger ; interposition de personnes établies à l'étranger ; usage de faux ; domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ; acte fictif ou artificiel ou de l'interposition d'une entité fictive ou artificielle) pourraient se voir infliger, outre les sanctions administratives et pénales, une peine complémentaire de privation temporaire du droit au bénéfice de réductions et crédits d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur la fortune immobilière.


1Pour plus de détails sur les règles de l’imposition minimale mondiale: OECD issues detailed rules to implement global minimum tax: a look at the 10 chapters | DLA Piper