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10 décembre 2025

Maladie professionnelle et licenciement : étendue et appréciation de la protection des victimes d’accidents du travail/maladie professionnelle

Pourvoi n° 23-19.841 | Cour de cassation 

Le 10 septembre 2025, la Cour de cassation a apporté de nouveaux éclairages sur l’appréciation de la protection dont bénéficient les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle à l’égard d’une mesure de licenciement.

Cet arrêt ne rompt pas avec le principe général qui veut que « l’inopposabilité à l’employeur de la décision de la caisse primaire d’assurance maladie ne prive pas le salarié de la possibilité d’invoquer l’origine professionnelle de sa maladie devant le juge prud’homal. »

Lorsque l’arrêt de travail est consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié bénéficie légalement d’une protection particulière de son emploi puisque le contrat de travail ne peut être rompu par l’employeur que dans des cas très limités (faute grave ou maintien du contrat impossible).

La protection est opposable dès que l’employeur a connaissance de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie. Toutefois, cette connaissance de l’employeur relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, entourant d’insécurité juridique la décision de l’employeur d’appliquer ou non les règles protectrices.

C’est ce second principe qui fait l’objet de l’analyse de la Cour de cassation et rappelle : « il appartient alors au juge d’apprécier, au vu de l’ensemble des éléments produits, si la maladie est d’origine professionnelle. La seule prise en charge par la caisse ne suffit pas à établir cette origine ».

En l’espèce, la Cour d’appel avait débouté le salarié de ses demandes aux fins de faire reconnaître que son licenciement aurait dû être prononcé pour inaptitude professionnelle, et de condamner la Société à lui verser les sommes dues au titre de l’indemnité spéciale de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis. Le salarié soutenait que la cour d’appel avait inversé la charge de la preuve en exigeant qu’il démontre l’origine professionnelle de sa maladie.

La cour d’appel avait relevé que :

  • Le salarié avait été exposé à la poussière de papier, mais dans des concentrations inférieures aux seuils réglementaires ;
  • Plusieurs avis d’aptitude avaient été délivrés pendant l’exposition du salarié à la poussière de papier ;
  • L’arrêt maladie de longue durée à l’origine de son avis d’inaptitude était dû à des symptômes sans aucun lien avec son allergie (péricardite et une fracture du poignet droit) ;
  • Le certificat médical établissant la rhinite allergique avait été délivré trois ans après l’arrêt de travail, alors que le salarié n’était plus exposé au risque.
  • Aucun document médical ou témoignage ne venait attester de symptômes antérieurs.

En conséquence, la cour d’appel a pu déduire que la pathologie n’était pas directement causée par le travail habituel du salarié et que l’existence d’une maladie professionnelle n’était pas démontrée : « la juridiction du fond a retenu que la seule inhalation, dans les limites autorisées, de poussières de papier ne suffisait pas à dire que le salarié a présenté une maladie professionnelle, aucun document médical ne venant attester qu’il aurait présenté des symptômes liés à une telle maladie. La cour d’appel qui a constaté l’absence de maladie correspondant précisément à celle décrite au tableau n ° 66 et qui a fait ressortir que la pathologie de rhinite allergique n’était pas directement causée par le travail habituel du salarié, a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, que l’existence d’une maladie professionnelle n’était pas démontrée. »

La portée de cet arrêt est à rapprocher d’un second arrêt rendu 15 jours plus tard par la Cour de Cassation1 dans lequel elle a jugé que la simple demande de reconnaissance d’un AT/MP par un salarié, même portée à la connaissance de l’employeur, ne suffit pas à déclencher la protection légale contre le licenciement.

Pour la Haute juridiction, dès lors que l’employeur contestait le caractère professionnel de la maladie, le juge prud’homal aurait dû rechercher, au vu des éléments produits dans le cadre du contentieux, si l’arrêt de travail du salarié avait une origine professionnelle, la demande de reconnaissance ne valant pas preuve de l’origine professionnelle de l’affection.

Il arrive que la demande de reconnaissance de maladie professionnelle entre dans une logique contentieuse ou du moins, soit utilisée comme levier de négociations. Dès lors, les employeurs ont tout intérêt à contester le caractère professionnel allégué par le salarié non seulement devant la CPAM mais aussi devant le conseil de prud’hommes et, à documenter le contexte de l’arrêt de travail et ses conséquences par des éléments objectifs et datés (témoignages, courriels, preuve des entretiens avec la médecine du travail, etc.), ceux-ci seront nécessaires autant devant le juge prud’homal que devant la CPAM.


1 Cass. soc., 24 septembre 2025, n° 22-20.155