
30 juillet 2025 • Lecture 12 minutes
Publication des commentaires de Bercy sur le nouveau régime des “Management Packages”
L’administration fiscale vient de soumettre à consultation publique1 ses commentaires sur le régime spécifique d’imposition des gains réalisés dans le cadre des “Management Packages” (BOI-RSA-ES-20-60-20250723), issu de la Loi de Finances pour 2025 et codifié à l’article 163 bis H du code général des impôts (“CGI” ).
Les principaux apports de cette publication sont résumés ci-dessous. Pour plus de détails sur le nouveau régime, nous vous invitions à consulter notre précédente newsletter (Actualité Management Packages – LF 2025).
A. Précisions sur le champ d’application du nouveau régime spécifique d’imposition
Les titres concernés
L’administration confirme que le régime s’applique aux titres dont la disposition, la cession, la conversion ou la mise en location a été réalisée à compter du 15 février 2025, soit le lendemain de la date de la promulgation de la LF 20252.
Ce régime concerne les titres de capital ou donnant accès au capital de la société émettrice des titres, quelle que soit la nature des titres concernés (actions ordinaires, actions de préférence, obligations convertibles ou remboursables en actions, bons de souscriptions d'actions), à l’exclusion notamment des titres de créance comme les obligations simples3. Seuls les titres émis par des sociétés par actions sont cités expressément (par opposition aux parts de SARL par exemple).
Les titres doivent par ailleurs présenter un risque de perte du capital souscrit ou acquis. L’administration précise sur ce point que les titres acquis dans le cadre des régimes légaux doivent présenter un risque de perte de leur valeur d’acquisition ou de souscription, c’est-à-dire de leur valeur à la date d’acquisition ou de souscription4. Ainsi, le régime de l’article 163 bis H du CGI ne s’applique pas lorsque le salarié ou le dirigeant bénéficie de mécanismes contractuels (par exemple, “put option” ) lui garantissant la revente de ses titres à un prix au moins égal à leur prix ou valeur de souscription ou d’acquisition.
Enfin, à l’exception des titres acquis dans le cadre des régimes légaux, les titres doivent avoir été détenus pendant deux ans au moins à la date de la cession. L’administration précise que lorsque les titres cédés ont été acquis ou souscrits à des dates différentes, il faut (i) prendre en compte la durée de détention de chaque titre et (ii), lorsque les titres sont fongibles ou non individualisable, appliquer la méthode du premier entré, premier sorti (“PEPS”)5.
Les gains concernés
La doctrine administrative précise que les gains concernés ne dépendent pas des modalités d’attribution, d’acquisition ou de souscription des titres mais des conditions de réalisation du gain net lors de la disposition, cession, conversion ou mise en location de ces titres permettant d’établir que ce gain net est acquis non à raison de la qualité d’investisseur du cédant, mais en contrepartie de ses fonctions de salarié ou de dirigeant6.
L’administration précise notamment que :
- la circonstance que les titres aient pu être acquis à un prix inférieur à leur valeur réelle à la date d’acquisition ou de souscription ne permet pas de conclure que le gain réalisé ultérieurement, notamment lors de la cession des titres, a été acquis en contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant du bénéficiaire. La “décote à l’entrée” n’est donc pas un critère7.
- la seule qualité de salarié ou dirigeant au moment de l’attribution ou la durée de détention des titres ne suffisent pas à caractériser l’existence d’une contrepartie. De la même manière, la révocation, au cours de la détention des titres, d’engagements contractuels (par exemple, vesting) n’empêche pas leur prise en compte par l’administration8.
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la contrepartie résulte notamment des critères suivants :
- l’atteinte de niveaux de performance (par exemple en cas d’actions de préférence dites “ratchet” ou d’avantages liés à des opérations de “sweet equity”)9.
- l’obligation faite au salarié ou dirigeant de respecter certaines stipulations contractuelles (par exemple, clause de non-concurrence, obligation de loyauté-exclusivité, clause d’incessibilité des titres, clause de sortie conjointe en cas de cession par les actionnaires majoritaires).
B. Précisions administratives sur les modalités de détermination de la limite d’imposition du gain net selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières
Pour mémoire, la limite d’imposition du gain net au titre du régime des plus-values de cession de valeurs mobilières est déterminée selon la formule suivante :
3 × prix payé pour l’acquisition ou la souscription des titres × performance financière de la société de référence sur la période de référence – prix payé pour l’acquisition ou la souscription des titres
Tolérance administrative sur la date d’acquisition des titres
A titre de tolérance, les titres acquis, souscrits ou attribués sur une période rapprochée dans le cadre d’une même opération — notamment en vertu d’un accord-cadre, d’un ensemble contractuel ou d’une décision unique d’attribution — peuvent être réputés avoir été acquis à une date identique. Toutefois, cette tolérance ne saurait justifier la constitution d’une masse unique de titres mêlant des instruments éligibles et non éligibles au régime spécifique d’imposition prévu par l’article 163 bis H du CGI10.
Précisions sur la détermination du prix d’acquisition
En principe, le prix d’acquisition ou de souscription des titres correspond au prix effectivement payé par le bénéficiaire. S’agissant des actions gratuites, ce prix est réputé égal à la valeur des titres à leur date d’acquisition.
En cas de cession de titres fongibles ou non individualisables acquis à des dates différentes, il est fait application de la méthode du PEPS. Cette règle peut conduire à retenir plusieurs prix d’acquisition, et donc à déterminer plusieurs limites d’imposition du gain net selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières11.
Par ailleurs, l’administration précise que le prix d’acquisition ne peut être augmenté des frais accessoires liés à l’opération, tels que les honoraires, commissions, impôts ou frais d’actes12.
Justification de la performance financière : une exigence probatoire encadrée
L’administration impose aux salariés et dirigeants de pouvoir justifier la performance financière retenue pour l’évaluation des titres dans le cadre du régime prévu à l’article 163 bis H du CGI. À cette fin, les intéressés peuvent produire une attestation émanant de leur employeur ou de la société de référence. Cette dernière correspond, en principe, à la société émettrice des titres.
Valorisation de la société de référence : encadrement des effets liés aux dettes d’actionnaires
La valeur réelle de la société de référence correspond à la valeur réelle de ses capitaux propres, à laquelle peuvent être ajoutées les dettes contractées envers tout actionnaire ou toute entreprise liée, au sens du 12 de l’article 39 du CGI.
L’administration encadre toutefois strictement la prise en compte des prêts d’actionnaires13 :
- Les prêts octroyés après la date d’acquisition, de souscription ou d’attribution des titres sont réputés avoir été accordés à cette même date pour la détermination de la valeur réelle à retenir à la date d’acquisition ;
- Les prêts remboursés avant la date de cession des titres (ou d’une opération relevant de l’article 150-0 B du CGI) sont intégrés à la valeur réelle de la société à la date de cession, au même titre que les sommes encore dues.
Ces précisions ont pour objectif de prévenir toute manipulation artificielle de la valeur de la société de référence, notamment par le biais de mouvements de dettes susceptibles d’augmenter indûment la limite d’imposition du gain net dans le cadre du régime des plus-values de cession de valeurs mobilières.
C. Précisions administratives sur les modalités d’imposition du gain net
Sursis d’imposition et abus de droit : rappel des garde-fous du régime
Lorsque le sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B du CGI prend fin, le prix d’acquisition des titres remis à l’échange doit être ajusté du montant déjà imposé en tant que traitements et salaires. Cette règle vise à éviter toute double imposition du gain net lors de la cession des titres.
Par ailleurs, l’administration rappelle qu’elle conserve la faculté de recourir à la procédure d’abus de droit fiscal pour écarter toute interposition artificielle ou modalité de distribution du gain ayant pour objet principal de contourner les règles d’imposition prévues à l’article 163 bis H du CGI14. Elle se réserve ainsi la possibilité de contester (i) la détention de “management packages” au sein d’une holding personnelle, ou bien (ii) la structuration de la sortie d’un package par le versement de dividendes ou d’un boni de liquidation (qui sont en principe hors champ du nouveau régime car taxés comme des distributions).
Complément de prix : rehaussement du gain net
Les commentaires administratifs précisent que les compléments de prix perçus après la cession des titres doivent être pris en compte pour déterminer la fraction du gain net imposable selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières, dans la limite fixée par l’article 163 bis H du CGI. En revanche, la performance financière de la société de référence n’est appréciée que jusqu’à la date de cession (et non jusqu’à la date de perception du complément de prix).
Concrètement, la part du complément de prix qui n’excède pas la limite légale bénéficie du régime fiscal favorable des plus-values. En revanche, la fraction excédentaire est imposée selon les règles de droit commun des traitements et salaires, au titre de l’année de perception du complément, si celui-ci n’est pas déterminable15.
D. Les zones d’incertitude persistantes
Incidences du régime sur les titres actuellement logés dans un Plan d’Epargne en Actions (PEA)
Les titres entrant dans le champ des dispositions de l’article 163 bis H du CGI ne constituent pas des actifs éligibles à l’inscription dans un PEA ou un PEA-PME16.
L’administration n’a pas encore précisé si la détention, au sein d’un PEA, de titres entrant dans le champ d’application de l’article 163 bis H du CGI entraîne la clôture du plan, même lorsque celui-ci comprend également des titres éligibles.
Articulation du régime avec les donations
Reste à déterminer, d’une part, si le gain imposable entre les mains du donateur correspond uniquement à la fraction du gain net imposée dans la catégorie des traitements et salaires, et non à l’intégralité du gain net, et, d’autre part, si ce gain imposable doit être fixé à la date de la donation.
Dimension internationale du régime
Il conviendrait de préciser si les dirigeants et salariés non assujettis aux cotisations sociales en France peuvent être dispensés de la contribution salariale spécifique.
Prélèvement à la source
Il serait utile que l’administration puisse confirmer que les gains entrant dans le champ du nouveau régime sont hors du champ du prélèvement à la source sur les salaires, quel que soit leur qualification fiscale.