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5 décembre 2025

Formations obligatoires pour employés au Québec

Pendant de nombreuses années, la question de savoir quelles formations étaient obligatoires pour les employés au Québec avait une réponse relativement simple : mis à part l’obligation de former les nouveaux employés, la formation était généralement recommandée plutôt qu’exigée, sauf dans des circonstances exceptionnelles.

Cependant, de récents développements législatifs ont marqué un changement important. Le cadre juridique québécois met désormais davantage l’accent sur la formation offerte par l’employeur, reflétant une reconnaissance plus large de la formation comme outil proactif de gestion des risques. Bien que certaines formations demeurent facultatives, le climat sociopolitique en évolution et l’attention accrue du législateur concernant les enjeux en milieu de travail rendent la mise en œuvre de divers programmes de formation fortement conseillée pour les employeurs qui souhaitent réduire leur exposition aux réclamations et démontrer leur conformité à une législation en milieu de travail de plus en plus complexe.

Dans cet article, nous examinons les dernières modifications législatives touchant la formation en milieu de travail au Québec et soulignons l’importance croissante de la formation comme moyen d’assurer la conformité et de réduire les risques pour les employeurs exerçant leurs activités dans la province.

Formation générale en matière d’emploi

Former les employés constitue une obligation fondamentale pour les employeurs et un élément essentiel de l’intégration en milieu de travail, du développement professionnel et de la santé et sécurité au travail. Une formation complète permet aux travailleurs de comprendre leurs responsabilités, d’acquérir les compétences nécessaires et de respecter les exigences du poste ainsi que les normes de sécurité.

La formation est légalement requise pour les employés nouvellement embauchés, ceux qui exécutent une tâche pour la première fois, qui s’adaptent à de nouvelles méthodes de travail ou technologies, ou qui réintègrent le travail après une absence prolongée. Elle est également nécessaire lorsque des changements surviennent dans les procédés, l’équipement ou les conditions de travail pouvant affecter la performance ou la sécurité.

Dans le cadre de cette formation, les employés doivent recevoir des renseignements clairs et complets concernant leur supérieur immédiat et les ressources de soutien, la rémunération et les horaires de travail, les tâches spécifiques à accomplir, les méthodes de travail approuvées, les règles de sécurité, les risques présents en milieu de travail et les mesures de prévention, les politiques de l’entreprise et les directives opérationnelles, ainsi que tout produit dangereux auxquels ils pourraient être confrontés. La formation doit également couvrir les procédures d’urgence et les obligations de signalement afin d’assurer la conformité aux règlements en matière de santé et sécurité.

Lorsque la formation est exigée par l’employeur, tout le temps consacré à celle-ci est considéré comme du temps de travail. Les employés doivent être rémunérés pour les séances de formation, les périodes d’essai, les réunions et les déplacements liés à l’employeur.

Santé et sécurité au travail

Les employeurs sont depuis longtemps tenus de fournir aux employés une formation liée à l’emploi, notamment en ce qui concerne les méthodes permettant d’exécuter le travail assigné en toute sécurité. Cependant, de récentes modifications législatives ont renforcé ces obligations en exigeant que les employeurs intègrent la formation dans leur Programme de prévention ou leur Plan d’action (voir ici notre publication antérieure sur ces obligations).

De manière générale, le Programme de prévention ou le Plan d’action, selon le cas, doit définir les mesures et priorités visant à éliminer ou, lorsque l’élimination n’est pas possible, à contrôler les risques identifiés. Dans le cadre des récentes modifications à la législation sur la santé et la sécurité au travail, la formation des travailleurs a été reconnue comme l’une des mesures clés à mettre en œuvre dans ces programmes pour identifier et contrôler les risques.

Des obligations spécifiques en matière de formation s’appliquent également aux rôles désignés en santé et sécurité. Par exemple, un employé affecté au rôle d’agent de liaison doit suivre un programme de formation approuvé par la CNESST dans l’année suivant son affectation. De plus, les membres du Comité de santé et de sécurité, y compris le Représentant en santé et sécurité, doivent obtenir un certificat attestant d’au moins une journée de formation théorique dans les 120 jours suivant leur affectation. Cette formation doit être dispensée par la CNESST ou par un organisme reconnu par la CNESST à cette fin. Les membres participants peuvent s’absenter du travail sans perte de rémunération pour assister à ces formations.

La formation vise à aborder des sujets clés tels que les lois en matière de santé et sécurité au travail, les programmes de prévention, les rôles et le fonctionnement des comités, l’identification et l’analyse des risques, l’enquête sur les accidents, la tenue des registres, la collaboration entre les membres et la prise en compte des réalités spécifiques des travailleurs (par exemple, le genre et l’âge). La formation du Représentant en santé et sécurité doit également couvrir ses responsabilités particulières. Ceci inclut formuler des recommandations sur les risques psychosociaux, identifier les tâches interdites ou dangereuses pour les travailleurs de moins de 16 ans et reconnaître les situations susceptibles de présenter un danger pour ces travailleurs. Les autres sujets incluent les inspections en milieu de travail, l’assistance aux travailleurs dans l’exercice de leurs droits, la participation aux visites des inspecteurs, la réalisation d’analyses de risques et d’enquêtes sur les accidents, ainsi que le traitement des plaintes auprès de la CNESST.

Formation et information concernant les produits dangereux

Les employeurs peuvent permettre l’utilisation, la manipulation, l’entreposage ou le stockage de produits dangereux uniquement si chaque produit est correctement étiqueté, accompagné d’une fiche de données de sécurité, et si les travailleurs exposés ou susceptibles d’être exposés ont reçu la formation et l’information nécessaires pour travailler en toute sécurité.

Pour respecter cette obligation, les employeurs doivent mettre en place un programme de formation et d’information conforme au Système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT). La formation doit être élaborée par le comité de santé et de sécurité ou, en l’absence de celui-ci, en consultation avec l’association accréditée ou les représentants des travailleurs. Ce programme doit expliquer comment interpréter les étiquettes, les affiches et les fiches de données de sécurité, présenter les dangers et les mesures de précaution pour chaque produit dangereux présent dans le milieu de travail, détailler les procédures d’urgence ainsi que la gestion des émissions fugitives, des produits intermédiaires et des déchets dangereux, et fournir des instructions sur l’accès et l’utilisation des fiches de données de sécurité, y compris la technologie utilisée et le processus pour obtenir des copies papier.

Formation de secourisme

La formation en secourisme en milieu de travail fait partie intégrante du Programme de secourisme en milieu de travail, administré par la CNESST. Ce programme encadre la formation, offre des subventions et assure le respect du Règlement sur les normes minimales de premiers secours et de premiers soins.

Les employeurs ont plusieurs obligations dans ce cadre. Ils doivent s’assurer que le nombre requis de secouristes, comme prescrit par le Règlement, soit présent en tout temps et que leurs noms soient affichés à un endroit bien visible. Lorsque des secouristes supplémentaires sont nécessaires, les employeurs doivent désigner des travailleurs dont les fonctions leur permettent d’administrer les premiers secours rapidement et efficacement, puis inscrire ces travailleurs à la formation.

Tout travailleur désigné comme secouriste qui ne détient pas un certificat valide délivré par un organisme reconnu par la CNESST a le droit de prendre le temps nécessaire pour obtenir ou renouveler cette certification sans perte de rémunération. Pour être reconnu comme secouriste, le travailleur doit réussir un cours de 16 heures offert par un organisme de formation accrédité par la CNESST (disponible uniquement en français). La certification doit être renouvelée tous les trois ans.

De plus, les secouristes sont réputés être au travail tant pendant les séances de formation que lors des interventions, et ils doivent être rémunérés en conséquence.

Harcèlement psychologique et violence sexuelle en milieu de travail

Pendant de nombreuses années, les employeurs québécois étaient soumis à des obligations relativement limitées en matière de formation liée au harcèlement. Cette situation a changé le 27 septembre 2024, lorsque de nouvelles exigences sont entrées en vigueur, imposant que la politique de prévention du harcèlement psychologique requise par la loi inclue des informations sur les programmes de formation destinés aux employés ainsi qu’aux personnes désignées pour gérer les plaintes ou signalements. À la même date, le Code du travail a ajouté une obligation supplémentaire dans les milieux syndiqués, exigeant que les arbitres appelés à trancher des griefs liés au harcèlement psychologique suivent une formation obligatoire sur la violence sexuelle.

L’attention législative portée à cette question a continué d’évoluer. Le 29 octobre 2025, le gouvernement du Québec a déposé un projet de règlement qui, s’il est adopté dans sa forme actuelle, élargirait considérablement les responsabilités des employeurs. Le Règlement concernant les mesures pour prévenir ou faire cesser une situation de violence à caractère sexuel exigerait que les employeurs offrent à tous les travailleurs une formation sur la prévention de la violence sexuelle, renouvelée tous les trois ans. Cette formation devrait être suffisamment complète pour permettre aux employés de comprendre et de réagir adéquatement face à la violence sexuelle en milieu de travail. Elle couvrirait la définition et les différentes formes de violence sexuelle, ses impacts sur les individus et l’environnement de travail, les obligations respectives des employeurs et des travailleurs, les droits et recours disponibles pour les employés, ainsi que les meilleures pratiques à adopter lorsqu’ils sont témoins ou informés d’une telle situation. Il est important de noter que la formation devrait être dispensée par une personne qualifiée possédant les connaissances, la formation ou l’expérience nécessaires pour identifier et analyser les risques liés à la violence sexuelle.

Bien que la formation sur le harcèlement psychologique ne soit actuellement pas imposée selon un format ou une fréquence spécifique, le fait que les employeurs soient tenus d’inclure des informations sur les programmes de formation dans leur politique de prévention du harcèlement psychologique suggère que la formation est obligatoire.. Si un employeur n’offre pas de formation (et que sa politique ne contient aucune référence à la formation), il peut être très difficile pour lui de démontrer qu’il a respecté son obligation légale de prendre des « mesures raisonnables » pour prévenir le harcèlement psychologique.

Protection des renseignements personnels

La législation québécoise en matière de protection des renseignements personnels impose des obligations strictes aux entreprises pour la protection des informations personnelles. Bien que la loi n’impose pas expressément la formation des employés, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (la « Loi sur le privé ») exige qu’une entreprise établisse et mette en œuvre des politiques et pratiques de gouvernance relatives aux renseignements personnels afin d’en assurer la protection.

Ces politiques et pratiques doivent notamment prévoir un cadre pour la conservation et la destruction des renseignements, définir les rôles et responsabilités des membres du personnel tout au long du cycle de vie des renseignements et établir un processus de traitement des plaintes concernant la protection des renseignements. Offrir une formation aux employés sur la gestion des données constitue l’un des moyens les plus pratiques et efficaces pour répondre à ces exigences, tout en réduisant les risques importants qui peuvent survenir en cas de mauvaise gestion des renseignements personnels. Comme pour la formation liée au harcèlement psychologique, il peut être difficile d’établir que les mesures requises pour protéger les renseignements personnels ont été appliquées en l’absence de formation appropriée.

Il convient de noter que la Loi sur le privé reconnaît la possibilité pour la personne responsable de la protection des renseignements personnels de mettre en œuvre des activités de formation sur la protection des renseignements personnels pour les participants à un projet chaque fois qu’une entreprise est impliquée dans un projet visant à acquérir, développer ou moderniser un système d’information ou un système de prestation électronique de services impliquant la collecte, l’utilisation, la communication, la conservation ou la destruction de renseignements personnels.

Bien que la formation ne soit pas expressément exigée par la loi, elle constitue une étape essentielle pour éviter des sanctions importantes en cas de non-conformité, lesquelles peuvent atteindre jusqu’à 25 millions dollars ou quatre pourcent du chiffre d’affaires mondial, selon le montant le plus élevé. Les atteintes à la vie privée peuvent également entraîner des recours individuels ou collectifs intentés par les personnes concernées. Au Québec, les lois sur la protection des renseignements personnels reposent sur le principe que les entreprises doivent prendre « les mesures de sécurité propres à assurer la protection des renseignements personnels collectés, utilisés, communiqués, conservés ou détruits et qui sont raisonnables compte tenu, notamment, de leur sensibilité, de la finalité de leur utilisation, de leur quantité, de leur répartition et de leur support ». Offrir une formation solide en matière de protection des renseignements personnels aux employés qui traitent ou ont accès à ces renseignements est une mesure évidente à adopter pour satisfaire à cette norme et protéger votre organisation contre les risques financiers et réputationnels.

Participation obligatoire au développement des compétences de la main-d’œuvre selon le seuil de masse salariale

Conformément à Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre et au Règlement sur les dépenses de formation admissibles, tout employeur au Québec dont la masse salariale totale pour une année civile dépasse 2 millions $ est tenu de participer au développement des compétences de la main-d’œuvre pour cette année. Cette participation consiste à consacrer un montant équivalent à au moins d’un pourcent de la masse salariale totale des employées à des dépenses de formation admissibles. Si les dépenses de formation admissibles d’un employeur sont inférieures à un pourcent % de sa masse salariale annuelle, il doit verser la différence au Fonds de développement et de reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre.

Les activités de développement comprennent toute initiative visant à promouvoir la création et l’utilisation de méthodes de formation diversifiées, permettant aux travailleurs d’acquérir et de maîtriser des compétences professionnelles et de faire reconnaître officiellement ces compétences dans le but d’accroître l’accès aux métiers et de favoriser la transférabilité des apprentissages. La formation peut être offerte par un établissement d’enseignement reconnu, un organisme de formation (y compris un organisme à but non lucratif), un service de formation multi-employeurs ou un formateur accrédité par le Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale.

Les employeurs qui atteignent le seuil de masse salariale établi devraient donc veiller à investir suffisamment dans la formation des employés chaque année afin de respecter cette exigence.

Langue des formations

Une question fréquente au Québec est de savoir si les formations destinées aux employés doivent être offertes en français. En résumé : tout matériel de formation écrit doit être disponible en français. Il s’agit d’une exigence légale en vertu des lois linguistiques applicables.

Pour les formations dispensées oralement, il n’est pas strictement obligatoire qu’elles soient entièrement en français. Toutefois, les employés ont un droit général de travailler en français et doivent être en mesure de comprendre le contenu pour que la formation soit efficace. Ainsi, si des vidéos ou des présentations dans une autre langue que le français sont utilisées, des sous-titres en français, exacts, correctement orthographiés et faciles à suivre, ou une autre forme claire de traduction doivent être fournis.

En pratique, si une séance de formation comporte un élément écrit, tels que des documents, des diapositives ou des guides de référence, ces matériaux doivent être traduits en français. L’objectif est de veiller à ce que les employés francophones puissent assimiler et appliquer la formation sans contrainte linguistique.

Notre équipe d’avocats bilingues en droit du travail et de l’emploi au Québec est disponible pour répondre à vos questions ou pour concevoir et offrir des formations sur ces sujets.